ŒDIPE ET SPHINX
L'espace, c'est le second temps.
L'espace, c'est là où s'étend le temps après son implosion. C'est le froid où il s'affaisse. C'est du temps effondré dans la nuit que traverse une lueur dont la source s'est éteinte alors qu'on la cherche du bout des yeux comme les fleurs. (...) L'espace est le temps qui a passé dans le temps et s'y épanche. L'espace est le temps qui a niché avant qu'il se dissolve, s'émiette, se démultiplie.
Pascal Quignard, in Les heures heureuses, Éd. Albin Michel.
SÉRIE/1 PALIMPSESTES
Cette série inaugurale préfigure la disparition attendue de la peinture, et ceci bien qu'affirmant paradoxalement sa permanence, sa résistance. Il s'opère ici une littérale remontée du temps, en quête de l'image perdue, traces de sa genèse et de son effacement. C'est un travail d'anamnèse qui se joue concrètement dans la confrontation à l'image déchue. Le tableau livre difficilement ses dessous, couche après couche, et enfin y affleure les vestiges de l'image enfouie, victime des outrages du temps... Un combat livré au "mur de peinture" pour lui arracher des fragments de représentation, des restes fantomatiques, qui semblent ressurgir du fond, recouverts, effacés, repeints; autant d'images perdues, prises dans le feuil de la peinture. Ces "palimpsestes" refont surface dans le tissu pictural, la couleur devient phénoménologique. Là émergent les auras d'images mythiques, légendaires ou mythologiques, des tragédies oubliées, d'anciennes représentations obscurément présentes. Un "jadis" inscrit dans la matière...
"Il ne faut pas dire que le passé éclaire le présent ou que le présent éclaire le passé. Une image, au contraire, est ce en quoi l’Autrefois rencontre le Maintenant dans un éclair pour former une constellation."
Walter Benjamin
PALIMPSESTS SERIES/1
This inaugural and limited series prefigures the expected disappearance of painting, and this although paradoxically affirming here again its permanence. There is a literal step back in time, in search of the lost image, traces of its genesis and its erasure. It is a work of anamnesis which is played out concretely in the confrontation with the support. The board has difficulty delivering its undersides, layer after layer, to bring out the vestiges of buried images, victims of the ravages of time; and that even if the process of ruin is inevitable ... A fight delivered to the "painting wall", to this pictorial and graphic "palimpsest" to tear from it fragments of representation, ghostly remains, which seem to resurface from the bottom , covered, erased, repainted; so many lost images, taken in the leaf of the painting. These past representations and their alterations nonetheless take shape again from this erasure, in this entropic process in suspense, in this slow erosion of the pictorial fabric revealing its secrets ... There emerge fragments of mythical, legendary or mythological images, tragedies forgotten, ancient representations obscurely present. A rise in time; a "formerly" laid bare, still inscribed in the material...
" It should not be said that the past illuminates the present or that the present illuminates the past. An image, on the contrary, is where the Old meets the Now in a flash to form a constellation."
Walter Benjamin
LES BRÛLÉES
Le geste pour le moins radical auquel renvoient les "Brûlées" atteste de la disparition programmée du tableau. Livrée au feu, la toile n'est que le reliquat de sa combustion entamée…S'agit-il ici de tableaux ou d'images comme on l'entend ? Plus vraiment, plutôt des "peaux de peinture", des lambeaux tactiles arrachés au flux temporel, soustraits au feu, fragiles témoins de l'image et du tableau. Des lambeaux de peinture, des reliques ou figures indicielles conservées sous verre, comme préservées pour un temps de l'érosion finale dont elles sont déjà porteuses. Par cette ultime résistance à l'entropie, ces restes de peaux, de toiles peintes avec leurs trous, leurs manques, n'ont de cesse de nous figurer encore ...
THE BURNS
The radical gesture referred to by the "Brûlées" attests to the programmed disappearance of the painting. Delivered to the fire, the canvas is only the residue of its started combustion ... Are these paintings or images as we understand it? Not really, rather "paint skins", tactile scraps torn from the flow of time, withdrawn from the fire, fragile witnesses of the image and the painting. Scraps of paint, relics or indicative figures preserved under glass, as if preserved for a time from the final erosion of which they already bear. Through this ultimate resistance to entropy, these remains of skins, of painted canvases with their holes, their lacks, never stop appearing to us ...
" L'événement du visuel du tableau n'advient qu'à partir de cette déchirure qui sépare devant nous ce qui est représenté comme souvenu, et tout ce qui se présente comme oubli." Georges Didio-Huberman, in Devant l'image, Éd. de Minuit, (p.189)